Retraite dans la fonction publique : les départs pour invalidité explosent chez ces fonctionnaires
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Le nombre de départs à la retraite pour invalidité a bondi en 15 ans, en particulier dans la fonction publique territoriale et hospitalière. En cause, le vieillissement des agents, mais aussi les durcissements successifs du système de retraite et des conditions de travail parfois difficiles.
Fatigués avant l’heure, usés par des conditions de travail de plus en plus difficiles… De nombreux agents de la fonction publique hospitalière (FPH) et territoriale (FPT) n’attendent plus l’âge de la retraite pour quitter leur poste. Pour preuve : entre 2010 et 2019, le nombre de fonctionnaires territoriaux et hospitaliers mis à la retraite pour invalidité a bondi de 50%, passant de 5 500 à 8 300 départs par an. Depuis, le chiffre s’est stabilisé mais reste à un niveau élevé, avec environ 7 000 départs annuels enregistrés entre 2020 et 2023. Soit une augmentation autour de 27% depuis le début des années 2010.
Un effet direct de la séniorisation des agents : «Ces évolutions doivent beaucoup au vieillissement moyen de ces fonctionnaires en activité puisque la probabilité de partir en invalidité augmente sensiblement avec l’âge», souligne la Caisse des dépôts dans une étude publiée ce jeudi 13 février. Mais pas question de réduire cette explosion des départs anticipés au seul âge des fonctionnaires pour autant. Les réformes successives des retraites, notamment celle de 2010 – portée par le ministre du Travail d’alors, Eric Woerth, et qui avait été l’une des plus importantes en France –, y sont aussi pour quelque chose. En repoussant l’âge d’ouverture des droits à la retraite, les refontes du système de retraite avaient contraint certains agents, dont l’état de santé se dégradait, à opter pour un départ anticipé pour invalidité.
Notamment pour les agents de catégorie C, issus de la fonction publique hospitalière et territoriale, qui sont «4 à 5 fois plus nombreux» que ceux de catégorie A à partir en retraite pour invalidité. La raison ? «On retrouve dans ces catégories C de nombreux postes exigeants physiquement, avec des conditions de travail parfois pénibles», explique Pierrick Joubert, chargé d’études statistiques à la Caisse des dépôts et co-auteur de la publication. Les aides-soignants, éboueurs ou policiers municipaux sont ainsi bien plus exposés à une retraite anticipée pour invalidité que leurs homologues de catégorie A, aux conditions de travail plus confortables et souvent sédentaires.
Un recours au départ pour invalidité très inégal chez les femmes
Autre contraste saisissant pointé par la Caisse des dépôts : le recours au départ pour invalidité est bien plus fréquent chez les femmes de la fonction publique territoriale que chez celles de la fonction publique hospitalière. Pourquoi une telle différence ? Tout repose sur l’accès aux dispositifs de départ anticipé. Dans la FPH, près de huit femmes sur dix en catégorie C peuvent partir plus tôt grâce à des mesures comme la catégorie active (qui permet un départ anticipé à la retraite), la carrière longue ou les motifs familiaux. Elles évitent donc souvent d’aller jusqu’à l’usure et d’être contraintes à un départ pour invalidité.
Mais dans la FPT, c’est une autre histoire. Les dispositifs cités ci-dessus y sont bien moins accessibles : seules quatre salariées sur dix peuvent en bénéficier. Pour toutes les autres, l’alternative est brutale : continuer à occuper des postes exigeants physiquement et psychologiquement jusqu’à l’âge officiel de la retraite – voire au-delà pour éviter une décote – ou être classées en invalidité. Et le relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans ne va pas arranger leur sort dans les années à venir.